Droz en poche
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L’Académie royale de Peinture et de Sculpture a régi les arts en France pendant un siècle et demi. Or l’institution demeure largement méconnue et continue d’être présentée aujourd’hui encore en fonction des discours, élogieux ou critiques, qui ont été portés sur elle, tant durant son existence que depuis sa suppression.
Christian Michel fait son histoire et en retrace l’évolution à l’aune des rapports de pouvoir et des querelles de goût qui agitèrent la société française entre 1648 et 1793. Une histoire de l’Académie permet en effet d’apprécier la définition de l’art qu’elle mit en œuvre sous l’Ancien Régime. Sont successivement étudiés les conditions de sélection de ses membres, la façon dont elle construisit sa réflexion sur l’art et comment elle enseigna celui-ci, la fonction des Salons, l’élaboration des critères de fabrication pour qu’une pièce, d’objet manufacturé, pût être élevée au statut d’œuvre d’art, les effets économiques et sociaux qu’eut, pour les artistes, l’appartenance au corps et, enfin, la place que l’Académie tint dans le système des arts en France et en Europe.
Si l’histoire sociale et politique est interrogée par ce livre, son principal enjeu relève de l’histoire de l’art : il entend montrer comment la production artistique a été marquée par l’Académie.
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Les vignettistes du XVIIIe siècle ont pour héritiers les illustrateurs qui se multiplient à partir de 1830, alors que se renouvellent le monde de l'édition et les arts de la gravure. Au XIXe siècle, presque tous les artistes ont travaillé pour la librairie. L'illustration, véritable journalisme du crayon selon Théophile Gautier, devient pour beaucoup un lieu de passage, un tremplin pour la notoriété et le plus souvent un lieu de relégation. Car l'illustration, jugée populaire, industrielle et mercantile, a mauvaise presse. L'illustrateur, quant à lui, se voit souvent accusé de trahir la pensée de l'écrivain, tandis qu'il souffre à son tour d'être trahi par les graveurs de reproduction.
Rodolphe Topffer (1799-1846), peintre frustré, professeur, romancier et critique d'art, doit sa renommée à la fortune inattendue de ses histoires en estampes, rebaptisées "bandes dessinées". C'est l'exemple typique de l'écrivain tenant la plume et le crayon, le modèle de cette double vocation si fréquente à l'âge de la fraternité des arts. L'illustration de ses œuvres par lui-même pose en des termes exemplaires la question centrale de l'autographie par rapport à la gravure de reproduction. J.-J. Grandville (1803-1847), tout au long de sa carrière, a réfléchi à la condition de son métier, défendu sa position de "professionnel" de l'illustration et lutté pour revaloriser le statut de l'illustrateur. Ses relations complices ou conflictuelles avec éditeurs, écrivains et graveurs révèlent les tensions qui caractérisent la librairie illustrée sous la Monarchie de Juillet. Gustave Doré (1832-1883) est certainement le plus célèbre des illustrateurs. Il est devenu l'incarnation de son métier jusque dans les moindres détails de son style de vie, de son comportement, de son corps même. Sa soumission tragique et paradoxale à l'étiquette de l'illustrateur, alors même qu'il se destinait au grand art, jette un éclairage sur le fonctionnement de la critique, sur la domination symbolique exercée par la hiérarchie des genres et des techniques.
Philippe Kaenel écrit l’histoire sociale des illustrateurs au XIXe siècle. Sur la base de documents souvent inédits, il montre que le métier d'illustrateur agit comme révélateur des catégories esthétiques et professionnelles sur lesquelles reposent alors les beaux-arts.
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Chef-d’œuvre mutilé, auréolé de mystère, le Tristan et Yseut composé par Thomas vers 1170 se démarque des autres versions par sa fine analyse des sentiments amoureux, sa tonalité très sombre et son style virtuose qui joue volontiers sur les sons et les sens. Unis par l’amer pouvoir d’un philtre merveilleux, Tristan et Yseut la Blonde, l’épouse du roi Marc, vivent loin l’un de l’autre un amour impossible, jusqu’à ce que Tristan, malade et croyant avoir perdu Yseut à jamais (lors du célèbre épisode de la voile noire), ne meure de chagrin.
L’édition de Bartina H. Wind est ici revue et corrigée par Louis-Patrick Bergot. Complété par le fragment de Carlisle, le texte original est assorti d’une traduction qui allie les impératifs de fluidité et de fidélité, ainsi que d’une bibliographie actualisée et d’un riche glossaire. Une introduction inédite situe les fragments dans leur contexte et propose des clés d’interprétation de ce texte essentiel, qui eut une infence décisive dans l’évolution de l’imaginaire courtois.
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Nous n’avons plus aujourd’hui qu’un écho du travail de communication des prédicateurs d’antan que furent au Moyen Âge les premiers disciples de saint Dominique et de saint François, et quelques autres clercs formés dans les écoles, voire à la faculté de théologie. Le contexte du tournant pastoral du XIIIe siècle donna à leur prédication, fréquente en ville, une place de choix un peu partout en Europe. À leurs appels à se repentir et à changer de vie, inspirés par les Évangiles, s’ajoutait la promotion d’une discipline centrée sur la pratique régulière de la confession annuelle. Nous mesurons difficilement la réception de leurs propos, mais il est certain que tous ces orateurs partageaient l’intime conviction de « l’efficience des mots » : avec l’aide mystérieuse de la grâce de Dieu, ceux-ci étaient dotés d’une capacité d’agir en produisant un effet attendu.
L’historien peut au moins capter dans les sources dont il dispose la manière dont ces orateurs façonnaient leur parole d’exhortation. Le plus souvent préservée en ce temps de tout discrédit, elle était proférée publiquement, afin de susciter l’assentiment d’auditeurs à qui les prédicateurs parlaient en recourant au langage du quotidien, tout en chargeant celui-ci d’une grande richesse de sens.
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La chanson de Renaut de Montauban, bientôt connue sous le nom de Chanson des Quatre Fils Aymon, est l’histoire d’une fratrie prestigieuse, celle des quatre fils d’Aimon de Dordone, dans laquelle Renaud tient le premier rôle. Cette fratrie est en rébellion contre Charlemagne qui a fait périr traîtreusement Beuves d’Aigremont, frère d’Aimon, tandis que Renaud a tué le neveu du souverain. La chanson raconte une vendetta longtemps poursuivie, qui entraîne ses protagonistes en Ardenne, en Gascogne et en Rhénanie. Elle leur associe des figures pittoresques comme le cousin Maugis, un guerrier magicien, et Bayard, un cheval aux vertus surnaturelles ; la gloire de Roland accompagne même celle de Renaud. Elle trace enfin un itinéraire de sainteté pour Renaud, qui devient héros de croisade puis martyr à Cologne. Texte ancré dans les traditions locales, notamment en Belgique, le Renaut a connu dès son apparition un succès jamais démenti et a donné lieu à de multiples adaptations. On reproduit ici l’édition de Jacques Thomas, assortie d’une traduction et d’une introduction littéraire établies par François Suard.
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Le geste de l’adieu est récurrent dans la poésie du Moyen Âge. Il n’avait cependant jamais fait l’objet d’une étude d’ensemble appliquée à cette période. De fait, ce choix n’est pas arbitraire, car le millénaire médiéval, dominé par l’idée chrétienne que notre vraie patrie n’est pas ce monde, envisage l’adieu tout différemment de l’Antiquité et de la période moderne. Cette dernière, renouant avec l’idée gréco-romaine que l’exil est pire que la mort, va en effet à nouveau lier la question de l’adieu au regret, puis à son corollaire, ce sentiment nouveau qu’est la nostalgie. Au Moyen Âge, au contraire, on part le plus souvent sans espoir de retour et ce sont les diverses variations sur ce thème, de Fortunao à Villon, en passant par les troubadours, les auteurs des Congés d’Arras, Eustache Deschamps et bien d’autres poètes français et latins, que ce livre s’est donné pour tâche de mettre en lumière, dévoilant la fécondité d’un geste qui a su inspirer aux auteurs du Moyen Âge quelques-uns de leurs plus beaux accents.
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TABLE DES MATIÈRES
Préface
Introduction
PREMIÈRE PARTIE : INVENTIO : LA « SUITE » ET SA MATIÈRE
Chapitre premier : LES GENÈSES DE LA RÉPÉTITION
I. La mémoire des formes
Suites de fourberies
Suites de méprises
De la suite à la répétition : l’invention de la séquence
II. L’inventio par duplication : faire beaucoup de peu
1 Barbouillé · 3 = 1 Dandin
Amphitryon, ou la mythologie dupliquée
Un assèchement de l’inventio : une copia comique facilitée ?
III. L’inventio par sélection : la comédie au filtre de l’identité
Séries volées : les Ecole
La sélection par l’identité : L’Etourdi
Deux méthodes inverses
Chapitre II : L’« ÉGALITÉ » ABSOLUE, OU LE FANTASME DU PERSONNAGE RÉPÉTITIF
I. Une règle, enfin, pour la comédie
Arnolphe, nouvelle Chimène
Une règle spécifique à la comédie
Une règle unique : « soutenir son caractère »
De l’égalité à la répétition : le piège des caractérisations multiples
II. Qu’est-ce que la comédie de caractère ?
« Molière a tout donné aux caractères »
La caractérisation répétitive
III. Les deux espèces de la comédie de caractère
Première espèce : la mise en action d’un « ridicule »
Deuxième espèce : le personnage comme « suite »
IV. Caractères longs, caractères courts : la copia du caractère
Réduire le caractère
Déduire le caractère ? Personnage et duplication
Problèmes dramaturgiques de la comédie de mœurs
Chapitre III : LA RÉCEPTION DE LA SUITE : THÈME, VARIATION, RÉFÉRENCE
I. Référence / non-référence
II. Réception active / Réception passive
Chapitre IV : RHÉTORIQUE SÉRIELLE
I. L’exemplification sérielle
Le principe des déboires instructifs
Les exemples parallèles
Comédie de caractère et exemplification sérielle
II. Procédures herméneutiques
Comparaison signifiante
Equivalences formelles, équivalences sémantiques
SECONDE PARTIE : DISPOSITIO : LA MISE EN INTRIGUE DE LA SUITE
Chapitre premier : LA CONDUITE DU SUJET RÉPÉTITIF
I. La pièce à principe
Le valet et la répétition : d’un très ancien problème de motivation
Le « principe » de « ressemblance surnaturelle » : le cas Amphitryon
Deux manières de « conduire » le sujet répétitif
II. La pièce à relance
La querelle de la répétition : logique sérielle et logique dramatique
Instrumentalisation du dramatique et dysfonctionnements
Chapitre II : CONDUIRE LE CARACTÈRE : « MULTIPLIER LES TRAITS AVEC ART »
I. Conduire le caractère trait par trait
Le personnage aiguillon
L’universel complot
Le caractère opposant, ou la conduite au trait par trait généralisée
II. Régler globalement la conduite du caractère
Le projet consonant et le risque de l’« effet pamphlet »
Le projet dissonant
Chapitre III : ENJEUX ESTHÉTIQUES DE LA CONDUITE
I. Conduite et comique
II. Conduite, artifice, beauté
Chapitre IV : LIQUIDER LA SÉRIE : DE L’ART DE FINIR, OU DE NE PAS FINIR
I. L’art de ne pas dénouer trop vite : donner du temps à la « suite »
Dramaturgie de la tentative
Dramaturgie de l’action annulée
Dramaturgie implexe
Exceptions : dénouer grâce à la répétition (non ad lib)
II. L’art de dénouer en force : liquider la suite
Le renoncement au dénouement heureux
Le déplacement de l’inconstance
L’intrigue implexe
Dénouer par le carnaval
Chapitre V : NOUVELLES COHÉRENCES
I. La comédie au risque du comique : le principe de détour
II. La répétition et l’effet de cohérence
Cohérence effective, cohérence surjouée
Simplification de la cohérence et simplification de la disposition
III. La comédie répétitive et la question de l’ordre
Principes de variation
Gradation
Un succédané de causalité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
I. Éditions des œuvres de Molière utilisées
II. Usuels et outils du moliériste
III. Œuvres littéraires
IV. Critique ancienne
V. Études modernes sur Molière
VI. Critique moderne
INDEX
TABLE DES MATIÈRES
Genre dramatique pour lequel les catégories classiques de la poétique sont inadaptées, la comédie a été perçue par une longue tradition critique comme un art relevant « purement du génie », sans règle ni méthode. Afin d’y apporter un brillant démenti, cet essai dégage les principales techniques de composition et les modes de fonctionnement des comédies de Molière. Au cœur de l’âge classique, celui-ci invente une manière de structurer la fiction qui rompt avec les fondements mêmes de la poétique aristotélicienne. Selon Jean de Guardia, c’est la notion de répétition qui se trouve au centre de ce dispositif. Le procédé stylistique n’est en effet chez Molière que la partie apparente d’un système d’écriture plus général, qui concerne tous les éléments de la dramaturgie, et notamment les grandes structures de la fable comique. Dès lors, le principe du théâtre ne consiste plus à engendrer de la différence (et, ce faisant, l’attente permanente du spectateur) par l’enchaînement nécessaire ou vraisemblable des événements, mais bien à créer de la similarité (c’est-à-dire la reconnaissance permanente) au moyen de la répétition.
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Bien vite au XVIe siècle, les protestants réformés se mirent à chanter des psaumes haut et fort dans les églises, mais aussi dans les rues, sur les places, par les champs. Pendant plus de quatre siècles, les textes et les mélodies ont été modifiés, adaptés, transformés. On revient ici au texte édité en 1562, tout en en modernisant l’orthographe, la ponctuation et quelques expressions vieillies ou inadaptées. On chante ainsi le Psaume 42, « Comme un cerf altéré brâme Après le courant des eaux » avec les paroles originales : « Comme on entend le cerf bruire Pourchassant le frais des eaux ».
Après la première édition critique du Psautier protestant réformé paru dans la même collection (Texte courant 9), Max Engammare propose une transcription en français moderne avec la musique à une voix transcrite par Alice Tacaille. Ainsi, peut-on à nouveau entonner, dans ou hors une église réformée, les Psaumes versifiés par Clément Marot puis Théodore de Bèze, comme on les chantait à Genève, La Rochelle, Londres ou Francfort, au XVIe siècle.
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Table des matières
Mot de l'éditeur
Mireille HUCHON, « Louise Labé et ses poètes. Vade-mecum »
Stéphan HELLIN, « Louise Labé : signature, patronyme et identité »
Jean Paul BARBIER-MUELLER, « Ne vouloir rien fors que toy comprendre. Défense et illustration de Louise Labé »
Jean VIGNES, « Compte rendu de Louise Labé. Une créature de papier »
Emmanuel BURON, « Le réemploi dans les Escriz de divers poëtes à la louenge de Louize Labé (Baïf, Tyard et Scève) »
Donald STONE JR, « Labé’s sonnet 12: a new reading »
Sharlene May POLINER, « “Signes d’amante” and the dispossessed lover: Louise Labé’s poetics of inheritance »
Georges TRICOU, « Louise Labé et sa famille »
La Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance a publié depuis près de quatre-vingts ans une dizaine d’articles consacrés à Louise Labé, à sa famille, aux Euvres de 1555, à ses poètes, à quelques interprétations et réemplois. La quasi-majorité d’entre eux est rassemblée dans ce volume de la collection Courant critique. Il a en effet semblé important de rassembler ces pages soumises naguère ou très récemment au Comité de la revue. Celles-là offrent une histoire partielle, mais originale et non banale, de la réception du volume publié par Jean de Tournes au milieu du XVIe siècle et des questions plus récentes de la persona littéraire de l’auteure ou des auteurs des Euvres, de Louise Labé et de ses poètes.
« Amies lectrices et compagnons lecteurs, lisez les articles et les livres favorables à une thèse ou à une autre, et forgez-vous votre opinion, c’est la liberté et l’incertitude qu’offre la littérature, puis lisez et relisez les sonnets parus sous le nom de Louïze Labé, ainsi que ceux de “ses poètes”, ils sont parmi les plus beaux écrits au siècle des Valois. » (extrait de la préface)
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Les Enfances Guillaume ouvrent le Cycle de Guillaume d'Orange, tout en ayant été composées – nous l'avons démontré – après les autres chansons de ce cycle. Leur édition synoptique, à partir des rédactions A et B, avec une introduction codicologique, linguistique et littéraire, des notes explicatives, un glossaire et plusieurs index, se devait de compléter celle des versions C et D réalisée jadis par Patrice Henry, et procurée par Annette Brasseur. Cette biographie poétique favorise la connaissance de Guillaume, dont la personnalité se révèle dès ses premières prouesses entrecoupées d'échappées romanesques. Elle nous permet d'aborder le domaine périlleux d'une psychologie plus élaborée qu'on ne le croirait d'emblée. Nous percevons encore, vers la fin du XIIIe siècle, l'écho du personnage historique qui lui aurait donné naissance et qui aurait nourri l'imaginaire des trouvères. Les Enfances Guillaume font « sentir » une vie hors du commun quand l'engouement pour l'époque médiévale ne cesse de croître. Une mise en français moderne aide le lecteur à franchir la barrière d'une langue qui a beaucoup évolué au fil du temps.
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Composé en vers à la fin du premier tiers du XIIIe siècle, le Chevalier aux deux épées est un roman d’aventures chevaleresques fortement imprégné de motifs arthuriens. Mériadeuc, le héros du roman, ignore son nom quand il apparaît à la cour d’Arthur et parvient à déceindre l’épée que porte la jeune reine de Caradigan. Promis par cet exploit à un destin exceptionnel, il multiplie les prouesses jusqu'à ce qu’il épouse, à la fin du roman, Lore, la reine de Caradigan, dont la détermination égale le courage. Habilement construit, le roman enchaîne les aventures sur un rythme soutenu. Une riche imagination se déploie et l’intrigue est fertile en rebondissements, avec des pauses qui laissent des temps à la description des réalités de l’époque, des cités traversées et des habits portés par les personnages. Les octosyllabes se suivent avec alacrité et rendent la lecture plaisante. La qualité de l’œuvre, qui mérite d’être appréciée à sa juste valeur, justifie une place de choix du Chevalier aux deux épées dans notre patrimoine littéraire. Pour la première fois, le texte édité est accompagné d’une traduction en français moderne. Il est assorti de notes et d’un glossaire.
Spécialiste de philologie française, Gilles Roussineau est professeur émérite à Sorbonne Université.
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L'histoire des images est indissociable de l'histoire de l'art. Elle s'y distingue certes par des spécificités, comme l'histoire de l'architecture. Il serait impossible de dater et de localiser la plupart des images médiévales sans passer par l'histoire des styles et donc par l'histoire de l'art. On ne peut comprendre le sens d'une image sans ce préalable.
Il ne s'agit pas pour autant d'isoler l'histoire de l'art dans une autonomie factice. L'art est profondément imbriqué dans l'histoire sociale, religieuse et politique. Les spécialisations morcelant les compétences, ces imbrications sont souvent ignorées ou mal comprises, de sorte que la solution d'un problème se trouve non moins souvent au carrefour des disciplines. Les essais réunis dans ce volume s'y situent en tout cas clairement, débordant constamment vers l'histoire religieuse et celle des idées philosophiques, parfois vers l'histoire littéraire ou celle des institutions. La plupart d'entre eux sont relatifs aux images, parfois davantage à leur iconographie ou à leurs déterminations extérieures, comme le culte dont elles sont l'objet, parfois pour les situer stylistiquement ou pour mettre en évidence les procédés mis en œuvre. Ils visent à rendre aux œuvres leur consistance, en traitant tour à tour du statut de l'image médiévale, des thèmes iconographiques et enfin des problèmes spécifiques à une œuvre ou à un ensemble d'œuvres.
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Les villes de Paris et de Venise sont, au XVIIe siècle, deux des principaux centres internationaux du marché de l’art et des collections. C’est précisément au cours de ce siècle que s’amorce un processus d’enrichissement considérable des collections françaises en tableaux vénitiens de la Renaissance et que sont établis, au vu de ces modèles au coloris intense, les fondements d’un débat aux conséquences durables sur la formulation de la théorie de l’art et sur la production picturale française. Ce volume présente la physionomie des principaux collectionneurs français de tableaux vénitiens au XVIIe siècle et propose une étude de la réception de ces œuvres en tenant compte des canons esthétiques élaborés et diffusés entre Paris et Venise. En s’appuyant sur un grand nombre de documents, pour la plupart inédits, et sur un vaste répertoire d’œuvres, ce texte permet d’explorer la fortune en France de Titien, Bassan, Véronèse, Tintoret et Giorgione, tout en éclairant notre compréhension d’un dialogue intense qui s’instaure au Seicento autour du tonalisme vénitien.